CHAPITRE 1: L'aventure commence

..."Et maintenant chers auditeurs, c'est le King qui va vous interpréter "Burning Love" sur KWP, la seule station de Paragon qui garde la mémoire"...

Le riff nerveux arrache Gangue de sa rêverie :
- "Quel merdier ça a été..."
Le son caverneux de sa propre voix le fait sursauter une seconde fois. Ses grosses mains attrapent un cahier posé sur le coin de table qui lui sert de bibliothèque. Il sort du tiroir un crayon de menuisier, seul survivant d'une longue série qui pour la plupart ont fini en sciure de bois. Gangue se tapote distraitement le front avec son crayon. Le bruit sec du bois sur sa peau dure comme la pierre l'agace rapidement et lui rappelle qu'il n'est plus Gabriel Drangel, plus le même qu'avant en tout cas. Gangue réfléchit. Depuis qu'il est différent, depuis qu'il est devenu cette chose il s'oblige à écrire quotidiennement. Pour garder son humanité, peut être, pour travailler sa dextérité manuelle certainement. Ces grosses paluches larges comme les planches à découper des vazhilocks n'ont rien d'évident à manier. Gangue doit réapprendre à utiliser son corps. Comme le font les bébés. Il écrit aussi pour se souvenir, alors qu'il essaie désespérément d'oublier. Pour plus tard, pour y voir plus clair, pour quand tout se sera tassé. Il coince son crayon derrière son oreille et tente de se remémorer la dernière sortie des 5upers. Le crayon tombe sur les dalles en acier du hangar qui leur sert de base.
-"Mais je n'ai même pas de putain d'oreilles !!!" hurle t-il.
Il sent la rage monter, le prendre, l'envahir. Il sent la force irradier de tout son être et l'énergie du cristal pulser en lui. Gangue se rassoit. Il a déjà ressenti cette force le submerger. C'était hier justement, pendant la sortie, au moment ou Stuart levait la main sur Juan.
-"Mais bon sang comment en sommes nous arrivé là ?" se demande t-il.
Gangue ramasse son crayon avec une précision toute empreinte de concentration.
-"Ecris mon vieux, tu te poseras les questions après."

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Extrait du journal de Bord de Gangue
3e sortie des 5upers.

Comme d'hab' je rejoignais les copains en prenant le métro. Sur la route une bande de rufians d'Hellions s'étaient mis en tête d'arracher le sac d'une vieille dame en plus de son bras. Le temps de balancer deux trois baffes j'ai raté mon taxi. J'avais pulvérisé mon intercom sur le crâne d'un des pieds plats que j'ai rossé et je voyais d'ici Stuart me faire la morale, me dire que l'exactitude c'est la politesse des rois et gnagnagna.
En fait Stuart n'a rien dit. Il avait d'autres soucis. La petite gratte papier qu'il a pisté s'est en fait bien foutu de sa gueule et on était en première page du Paragon's Times. Avec une pub pareille difficile de passe inaperçu.
C'était ça qui souciait Stuart. Le fait qu'Arachnos retrouve notre piste ne l'enchantait guère, malgré tout il fallait bien justifier les subventions de la mairie pour tout nouveau super groupe qui se lance dans le business de la justice pour tous.



"On y va les 5upers, j'ai un contact à Kings, il faut qu'on fasse bonne figure si on veut retravailler avec lui." J'le revois le balafré de mon coeur. J'aurais dû me méfier de son sourire, il sourit jamais d'habitude ou alors quand on lui plante un couteau entre les omoplates. On a vite compris pourquoi il jouait les diplomates. Devant la plaque d'égout on a tous compris que la descente de la dernière fois n'avait pas suffit à purifier ce cloaque.
-"Tu veux vraiment qu'on retourne là-dedans" Doctrine en tête du cortège des contestataires ne se voyait pas ramper à nouveau dans les eaux saumâtres et pestilentielles des égouts, où la lagune se mêlent aux déchets et immondices de la mégalopole de Paragon city la dégoutante.
-"Discutez pas, plongez !" Stuart n'est jamais aussi bon que quand il ne joue pas. Il s'est naturellement imposé comme le leader de la bande. Pas de putsch ou de vote, c'est comme ça. Son assurance, son instinct et son passé de guerrier en font un leader idéal. Moi aussi j'ai donné dans l'armée, j'ai même emmené au combat des dizaines de gars. Missions spéciales, close combat, j'étais plutôt fortiche dans ma partie. Seulement après l'accident... J'étais pas en état de m'occuper de qui que ce soit d'autre que moi. Maintenant c'est différent. Quand je suis avec les 5upers je ne pense plus à moi et ça, ça m'aide vraiment...

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Gangue marque une nouvelle pause. La radio crachote les dernières notes d'une spot publicitaire puis annonce Question des Moody Blues. Le sourire aux lèvres Gangue écrit avec force détails avec quel plaisir il a frappé, fort et sans retenir ses coups, sur les trolls qui squattaient les tunnels.
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Et c'est là qu'on a commencé à se poser des questions. Stuart d'habitude si lucide hurlait ses ordres de façons grostesque, imitant les trolls et leur accent à couper au couteau à cause des défenses qui déforment leur mâchoire. Au début je me marrais bien, et puis au bout d'un moment Tobias a commencé à lui parler, avec son air sérieux, comme il fait quand l'un de nous commence à déconner. Le plus dingue c'est quand a eu fini la mission. Stuart s'est comme... réveillé. Le genre "mais on est où là ? Restez concentrés sur l'objectif, etc." La mission était terminée, il avait tailladé des dizaines de Trolls, son costume était encore recouverts de leurs entrailles et il ne se souvenait de rien ou presque.
On aurait bien fait le point mais il nous a pressé pour qu'on aille rencontrer son contact. Je crois qu'il avait prémédité son coup parce que que l'inspecteur Freitag (pas bien finaud soit dit en passant) nous a refilé à chacun une radio, avec un canal réservé pour les appels d'urgence de la police. Joli joujou et utile surtout. On n'a pas attendu pour l'utiliser. Sur la fréquence un agent rugissait les coordonnées de la banque d'Atlas Park:
-"Arachnos fait un casse, toutes les unités sont appelées à intervenir pour sécuriser le secteur et intercepter les braqueurs qui sont encore dans l'établissement !!".
Pour faire bonne figure, et puisqu'on était planté devant le commissariat, on y est allé en grande pompe avec la bénédiction et les recommandations d'usage de l'inspecteur de mes deux. Mais Stuart était vraiment sombre. Tobias a tout de suite soulevé le problème et, posant carrément la question a demandé si, bien que ce soit probablement un piège pour nous obliger à nous montrer, il ne serait pas judicieux d'y aller quand même, au moins pour évaluer notre nouveau potentiel d'attaque face à ce qui bientôt allait devenir notre cible numéro UN, à savoir Lord Recluse et sa clique de clown octopodes (ou quelque chose comme ça). Juan a demandé ce que ça voulait dire Octopode et tout le monde s'est marré sauf lui et Lightray qui avait l'air de faire la tronche depuis la première bagarre dans les égouts.

Là ça a commencé à sentir le crâmé. Pendant la baston, alors que ça sepassait plutôt pas mal Stuart a recommencé à débloquer. Cette fois il est devenu carrément pervers, utilisant les soldats d'Arachnos comme bouclier humain ou bousculant des civils pour achever ses proies. Il ne valait pas mieux qu'eux. Bien sûr lui et Juan se sont engueulés mais c'était plus virulents que d'habitude, plus acéré, et j'ai bien vu que le petit commençait être déstabilisé (comme si il avait besoin de ça). Doctrine a bien tenté d'appaiser l'ambiance mais c'était un vrai massacre et quand on est arrivé dans la salle du coffre j'ai bien cru que Sol allait foutre le feu à tous les billets qui voletaient autour du tas de méchants pas beau que j'avais entassé au milieu de la pièce pour faire une photo souvenir. La photo on l'a eu mais pas celle qu'on voulait. Quand il a repris possession de ses moyens, Stuart se tenait debout devant le sac de biftons des braqueurs une liasse dans chaque main. Sol a bien tenté de crâmer une ou deux caméras on est quand même à la une du Paragon's Times d'aujourd'hui dans un nouvel article de notre bonne amie C. Summers.

(Note pour plus tard / broyer les doigts de Mlle Summers. SI elle tape ses articles avec le nez ou les dents, on aura peut être 48h de tranquillité avant qu'elle termine son prochain article.)

Pultôt dépités par ce pseudo succès (tu parles !), on a décidé de faire une dernière intervention histoire de se remonter le moral. On aurait pas dû...
La radio indiquait que "le conseil" retenait en otage un agent de police, dans un entrepôt au nord de Kings. Dans un silence religieux on est remonté par la cinquième jusqu'aux entrepôts en question. On s'est tous jeté un coup d'oeil avant de plonger dans la bataille mais personne n'a rien dit.



Fidèles à leur réputation les soldats du conseil étaient armés jusqu'aux dents. La bataille faisait rage et on n'a pas tout de suite compris ce qui se passait. Tobias réfrigérait les pauvres âmes que Sol passait à la casserole, Doctrine réparait les bobos entre deux brochettes de soldats, moi j'essayais d'attirer le plus de monde possible sur ma pomme pour que Stuart, fidèle à lui même, attaque par derrière ou égorge les distraits. Lightray, toujours en retrait oscillait entre rafales mortelles et réserve forcée. Par moment il hurlait les mêmes ordres que Stuart et c'est comme ça que j'ai réalisé qu'il se passait quelque chose de grave. Notre 6e comparse était en prise directe sur les émotions exacerbées de notre chef. Stuart perdait carrément la boule, se croyant encore chez les Marines, nous aboyant des ordres comme à son escouade. Le genre de discours qui fait faire des étincelles au gamin. D'ailleurs Juan n'a plus tenu le coup et s'est mis à déconner lui aussi, fonçant dans la mêlée pour ne plus entendre Stuart et risquant de nous faire tous submerger.
C'est là que ça s'est passé. En un clin d'oeil Black-claws était sur lui les griffes sorties, prêtes à éventer le petit. Le temps s'est comme suspendu. J'ai plongé entre les deux exposant mon dos aux griffes de Black au cas ou il aurait balancé le coup. Je crois que j'ai eu vraiment peur, peur pour les deux, peur pour moi, peur de les perdre ou de devoir les affronter. J'ai fait un truc dingue (on commençait à être sur les rotules), j'ai aboyé deux ou trois ordres particulièrement cinglant à Stuart, du style "SUFFIT SOLDAT, HALTE AU FEU, ARRETEZ MOI TOUT DE SUITE CE MERDIER AVANT QUE JE NE VOUS COLLE AU MITARD POUR LE RESTANT DE VOS JOURS !!". J'ai aussi hurlé sur Juan qui nous avait vraiment foutu dans la mouise. Doc était estomaquée et Tobias surveillait du coin de l'oeil Lightray qui s'était prostré dans un coin et gémissait entre un distributeur de boissons et une plante verte.
Une longue minute de silence succéda à la fureur de la bataille. Juan s'est excusé d'une voix épuisée, et Stuart est parti comme si de rien n'était en continuant de parler tactique aux soldats que nous n'étions pas. Cette fois-ci j'ai bien cru qu'il allait le tuer. Juan aussi, d'ailleurs c'est ce qu'il lui a dit quand tout a été terminé.



-"Je te respecte Stuart, tu es notre chef, et bien que parfois tu joues vraiment les connards on a besoin de ton autorité. Par contre si un jour, une fois, tu lèves encore la main sur moi, je te jure que je te tue." Ces mots prononcés si froidement par le gamin, lui qui a un tempérament de feu nous ont tous refroidi... Magnus a bien une théorie sur le comportement étrange de Stuart, comme quoi ses griffes prendraient une part de l'âme de ses victimes, Lightray a aussi évoqué le fait que Stuart n'acceptait pas sa nouvelle condition. Moi c'que j'en dis c'est que ce qui s'est passé ce jour là ne doit plus JAMAIS se reproduire. Il y va de l'unité de tout le groupe, il y va de l'existence de Lightray...



Voilà où on en est. Le bon point c'est que dans ce merdier je n'ai pas le temps de penser à moi, le revers de la médaille c'est que depuis cet épisode on n'a plus de nouvelles de lightray... Pour le moment l'adversaire le plus dangereux des 5upers, c'est la communication.



NDLR : pour ceux qui ne se sont pas endormis avant d'arriver jusqu'au bout, j'ai peut être omis quelques détails mais je crois que l'essentiel est là. Il s'agit d'un point de vue, celui de Gangue, qui néanmoins devrait être assez objectif vu sa position au sein du groupe. J'ai hâte que nous écrivions la suite de nos aventures !